Parfois désignée sous le nom de « ruisseau des Gobelins », la rivière de la Bièvre a façonné le paysage de Gentilly. Rivière d’environ 36 kilomètres prenant sa source à Guyancourt (Yvelines) et finissant historiquement dans la Seine à Paris, la Bièvre traverse Gentilly où elle est, depuis environ un siècle, canalisée dans un conduit situé à deux mètres sous terre. Bièvre et Seine sont même intimement liées puisque, dans sa traversée de la ville de Paris, la Seine rejoint ce qui fut l’ancien lit de la Bièvre (des cartes peuvent être consultées sur le site https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Bi %C3%A8vre_(affluent_de_la_Seine)). L’installation de tanneries, blanchisseries et autres activités industrielles sur les rives de la Bièvre, ainsi que le déversement par les particuliers de leurs détritus, ont entraîné une pollution de ses eaux. Pour des raisons de salubrité, elle fut progressivement bétonnée et enterrée en aval d’Antony à partir du 19e siècle.
Elle continue pourtant bel et bien de couler sous nos pieds, traversant Gentilly entre Arcueil et le Parc Kellerman à la Poterne des Peupliers. En centre-ville, cette rivière cachée des regards passe sous un pont en contrebas de la poste avenue Jean Jaurès. Il est toutefois possible d’en admirer le cours à ciel ouvert depuis 2022,sur un tronçon de 600 mètres, au niveau du Parc départemental du Coteau de Bièvre, non loin du stade Géo André, à l’issue de travaux ayant coûté entre 10 et 11 millions d’euros.
Quel avenir peut être dessiné aujourd’hui, pour cet élément majeur du paysage gentilléen, à la lumière des modifications en cours du Plan Local d’Urbanisme (PLU), de la préparation du PLUi (PLU intercommunal) qui doit se faire en accord
avec les trames vertes et bleues prévues au Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) francilien et des aménagements réalisés dans les communes voisines ?
Le règlement du PLU voté en 2007 prévoit une « zone réservée » de 4 mètres de part et d’autre de l’axe de la Bièvre. Ce règlement interdit les constructions sur cette bande de terrain, qui ne fait pas partie du domaine public, et reste donc propriété privée. A Gentilly, cette interdiction demeure bien théorique au vu des entorses que chacun peut constater. Au nord de l’église Saint-Saturnin, des bâtiments ont été construits sur le parcours de la Bièvre avant qu’elle rejoigne le parc Kellermann à Paris, tandis que du côté Sud de la commune, l’entreprise Sanofi s’est pleinement appropriée cette zone.
Dans les projets de modification du PLU, on note qu’il est question d’étendre la zone réservée à six mètres. Cette disposition nous interroge sur les conséquences pratiques de sa mise en œuvre à Gentilly : qu’est-ce que cela peutt changer, alors que rien n’a évolué depuis plusieurs décennies ?
On peut estimer pourtant que le parcours de la Bièvre qui s’étend sur environ 1 km dans la commune reste un atout patrimonial, qui mériterait d’être réhabilité et valorisé pour l’agrément de tous, comme cela a déjà été réalisé à Cachan par exemple (sur environ 240 mètres). La réouverture dans le parc départemental du Coteau a été possible, mais c’est au prix de l’aménagement de berges mangeuses d’espace . Lors de la fête de Gentilly en juin 2022, un stand de la ville faisait la promotion d’une étude visant la réouverture de la rivière sur 300 mètres dans le Parc Picasso. Est ce qu’un projet de cette nature est acceptable par la population alors que la préservation des plantations du parc et de ses qualités paysagères représente un objectif majeur. Il faudra comparer les mérites de cette opération avec ceux de la création d’une promenade piétonne traversant la ville. Le parvis du service culturel, qui recouvre la Bièvre et représente un ilot de chaleur urbaine en raison de son macadam, pourrait être radicalement transformé par la végétalisation, sans compter l’impact du programme de démolition-reconstruction de l’ancien bâtiment voisin de SFR qui va doubler de hauteur.
C’est pourquoi nous ne comprenons pas que deux demandes de rendez-vous à la mairie du collectif « Le cri de la grue » et de l’association « Mieux Vivre Sur le Plateau « (le 27 mars et le 6 mai 2023) en vue d’être informés des objectifs et de l’avancement des études en cours sur la Bièvre à Gentilly n’ont pour l’instant pas été prises en considération. Ainsi le mode interrogatif adopté pour le titre de cette note reste bien d’actualité.
Jacques Léorat, le 24 mai 2023